TRAFIC HUMAIN - N°1
http://www.esclavagemoderne.org/
"LES BONNES DU LIBAN"
Au Liban, le secteur du service est en plein essor. En effet, 380 agences se sont développées afin de trouver un emploi à plus de 150000 personnes. De plus, une ségrégation positive est montrée à l’égard des femmes, et plus encore aux Sri-lankaises, Philippines, Ethiopiennes, Burundaises et Malgaches. Leur billet d’avion à destination du Liban est même pris en charge. La durée du contrat est variable, mais assure une place pour 2 à 6 ans selon les cas. A quelques petites conditions toutefois : donner son passeport à son employeur, accepter de rester enfermée, n’avoir aucun contact avec sa famille, et suivre un régime diététique draconien. Le travail est simple : domestique.
Alors que le Liban a signé en 1948 un traité contre la confiscation des papiers d’identité, et qu’en 1991 la Convention des Droits de l’Homme est devenue partie intégrante de la Constitution libanaise, on assiste ici à une organisation de l’esclavage avec la complicité de tout un système d’exploitation : Etat, agences, employeurs, pays d’origine. Le code du travail ne s’applique qu’aux libanais, il ne protège donc aucune de ces jeunes femmes.
Je ne détaillerai pas les traitements dont elles sont l’objet, ignobles est un mot approprié, et pourtant, selon le Daily Star, une personne sur seize vivant au Liban est une domestique étrangère.
En attendant le reportage diffusé le 18 octobre sur France 2, dans l’émission Envoyé Spécial, je vous engage à lire ces deux articles sur le sujet : Le Monde http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=1008175&clef=ARC-TRK-D_01
IPS International http://ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=3802
DROITS:
Domestiques africaines abusées au Liban
Simba Russeau
BEYROUTH, 16 sep (IPS) - Chassées de leurs pays d'origine par la pauvreté et les conflits, des femmes africaines vont au Liban seulement pour se voir affamées, maltraitées, violées et soumises à des conditions semblables à l'esclavage.
Amira est âgée de 25 ans. Elle vient de la République démocratique du Congo. ''Une fois, madame a trouvé de la poussière sur les meubles. Elle m'a dit que la maison était sale comme ma peau''.
Pendant quatre ans, Amira a été obligée de rester enfermée dans l'appartement de ses patrons – qu’elle quittait seulement pour faire sortir les ordures. Elle est venue au Liban, en tant que domestique, sur la base d'un contrat de six ans, à cause du conflit qui sévit dans son pays. Réveillée tous les jours à 5h30, elle est soumise à 18 heures de travail éreintant et sans repos.
‘’Même les chiens sont autorisés à sortir, mais nous, nous sommes bloqués à la maison’’, déclare-t-elle du balcon. ‘’Nous sommes comme des esclaves ici’’.
Amira fait partie des plus de 30.000 domestiques africaines au Liban. Provenant principalement de l'Ethiopie, de l'Erythrée, du Nigeria et du Soudan, elles font la majeure partie des travaux domestiques au Liban.
Traditionnellement, les ménages employaient des jeunes femmes libanaises, notamment celles des zones rurales, des Palestiniennes, des Syriennes ou des Egyptiennes comme domestiques. De nos jours, les femmes arabes font rarement ce genre de travail au Liban -- le considérant comme dégradant ou inacceptable -- le laissant plutôt aux travailleurs immigrés qui acceptent de pauvres conditions de travail et de vie, ainsi que de bas salaires.
‘’Quelques fois, ils ne me nourrissent pas. S'ils donnent le déjeuner, alors c'est seulement du pain et du fromage'', déclare Aisha, une nigériane de 19 ans. ''Si je m'enfuis et la police m'attrape sans papiers, alors je serai arrêtée''.
Le patron confisque le passeport et d’autres documents d'identité de la domestique, lesquels lui sont retournés quand l'employée est ‘’libérée’’ à la fin du contrat.
‘’La confiscation des passeports est considérée comme une sécurisation de leurs investissements’’, déclare Najla Chada, directrice du Centre des migrants de Caritas. ''Les domestiques n'appartiennent pas aux différentes catégories de travailleurs, donc elles ne sont pas couvertes par le droit du travail libanais. Elles sont considérées comme des servantes’’.
Les domestiques qui immigrent au Liban sont couvertes par le Kafala ou le système de parrainage qui stipule que les femmes doivent avoir un parrain légal pendant la durée de leur contrat. Cette clause oblige les immigrées à être dépendantes de leurs patrons et par conséquent, exposées aux mauvais traitements.
Elisa, âgée de seize ans vient de l'Ethiopie. Sa mère est décédée l'année dernière, et il y a six mois, elle est venue au Liban pour travailler et envoyer de l'argent à sa famille. Pour 100 dollars par mois, elle s’occupe de l’entretient de cinq maisons par jour.
‘’Quand j'ai commencé à travailler dans cette famille, j'ai été tout le temps sexuellement abusée par le père de ma patronne. Les enfants me tapaient tous les jours et je le disais à madame, mais elle ne faisait rien. Parfois le père venait dormir avec moi et menaçait de me taper si je refusais. Ainsi j'ai dû quitter la maison''.
Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), il y a actuellement au moins 20.000 éthiopiennes qui font le travail de bonnes au Liban. Avant qu'elle ne quitte l'Ethiopie, l'agence a dit à Elisa que si ses patrons la battaient, elle devrait appeler l'ambassade de l'Ethiopie à Beyrouth.
L'Ethiopie doit bientôt installer une ambassade au Liban à cause des relations politiques entre les deux pays. Elle laisse un consulat en sous-effectif avec pour tâche énorme de protéger les intérêts des immigrés éthiopiens. Beaucoup de femmes s'endettent pour payer les frais de l'agence dans leurs pays d'origine pour le parrainage à l'extérieur. Bien qu'Elisa craigne de se faire embaucher par un nouveau patron, elle déclare qu'elle souhaite toujours rester au Liban pour travailler.
‘’J’aurai peut-être les mêmes problèmes avec mon nouveau patron. Mais, puisque j'ai des difficultés pour m'occuper de ma famille en Ethiopie, je dois encore tenter ma chance’’.
Bien que le Liban soit membre du comité consultatif du Haut commissariat aux réfugiés, il n'a pas signé la Convention de Genève de 1951 portant sur les travailleurs immigrants.
N'ayant pas les mêmes droits que les citoyens ordinaires pour accéder aux diverses formes d'assistance publique, les immigrés ont le choix entre fuir et devenir illégal ou supporter les abus quotidiens. Malgré la pression des organisations de travail, le gouvernement libanais n'a rien fait pour régler le problème. (FIN/2007)